Faire ses gammes... à Bécherel
C'est le 18 mai prochain que débuteront les ateliers de réalisation organisés par l'ARBRE (l'association des réalisateurs en Bretagne), et cette année, ils se passeront à Bécherel. Une
opportunité rare pour les réalisateurs, débutants ou confirmés, de s'exercer à la réalisation de fiction courte. Avec le concours de techniciens et comédiens régionaux, ils devront
réaliser sur quelques jours un court-métrage autour du thème du livre. Alors que le jury s'apprête à désigner les heureux lauréats, nous avons posé quelques questions à trois des
chevilles ouvrières de la manifestation, les réalisateurs Huber Budor, Corto Fajal de l'Arbre, et Christian Ryo, le Directeur de Livre et Lecture en Bretagne...
Cette année, les ateliers de réalisation se déroulent à Bécherel, pourquoi ?
- Corto Fajal : Les ateliers changent de territoire continuellement. Il y a eu
Groix, Mellionnec, Chateaubriant... Vivant non loin de Bécherel, j'ai eu envie de mettre à profit l'activité culturelle de la ville. Je connais bien les commerçants, les politiques, les
habitants qui vont loger les candidats... Cette proximité permet une forte participation.
Comment se passe la sélection ?
- Hubert Budor : On a reçu quatorze scénarios, et on en a retenu neuf (2).
Chaque auteur viendra « pitcher » son projet devant un jury dans l'auditorium de la Maison du Livre le 12 mai prochain (3). C'est bien entendu ouvert au public. La présentation est libre,
ils peuvent venir avec des comédiens, montrer des images...
C'est la quatrième édition des ateliers. Quelles sont les évolutions et
les changement ?
- H. B. : Il y a deux ans, alors que les ateliers se déroulaient à
Chateaubriant, nous avons été rejoints par ALRT ( l'association ligérienne des réalisateurs et techniciens des Pays de la Loire). Ils nous accompagnent cette année à Bécherel (1). L'idée
des ateliers, c'est de réaliser un film très court, dans un temps limité et en lien avec un territoire. Il y a une vraie spontanéité, c'est un geste... Chaque fois, on travaille autour
d'une thématique. Le thème du livre s'est imposé tout naturellement dans une ville comme Bécherel, Cité du Livre, riche de librairies. Cependant, pour la première fois, on sélectionne les
candidats à l'étape du scénario. L'idée est de renforcer les rapports entre le film réalisé et le lieu d'accueil, la population...
- C. F. : La dimension supplémentaire cette année, c'est d'apprendre à présenter
un projet. Les candidats sélectionnés bénéficient d'un accompagnement pour préparer leurs pitchs : Estelle Robin, productrice à Nantes, et Aline Jaillet, chanteuse et pédagogue de la voix
à Rennes, vont travailler avec eux sur la prestation scénique, la verbalisation, l'aisance orale...
- Christian Ryo : personnellement, je trouve le niveau des scénarios très bon.
Il y a beaucoup de bonnes propositions, très ambitieuses au niveau du contenu. Malheureusemen,t certains projets de qualité ne seront pas retenus, soit parce qu'ils s'éloignent du sujet,
soit parce qu'ils ne sont pas réalisables dans le cadre des ateliers. J'ai hâte de voir ce que ça va donner, comment les auteurs vont mettre en forme leurs récits... Venant du monde de
l'édition, je trouve les idées des gens de l'audiovisuel très stimulantes, et parfois bien meilleures que celles du milieu littéraire... il y a plus d'audace!
- C. F. : Les scénarios ont effectivement une très bonne tenue. La plupart des
auteurs sont venus en amont à Bécherel, ils ont pris des photos, se sont documentés...
- C. R. : Le thème du livre me paraît vraiment pertinent. Un scénario peut être
lu comme un objet littéraire. Il y a des liens très forts entre la littérature et le cinéma. Les réalisateurs de la Nouvelle vague maîtrisaient parfaitement les classiques. Truffaut et
Godard parlaient tout le temps de littérature... Cette connaissance leur a permis d'innover et d'inventer de nouvelles formes.
De quels moyens disposent les candidats pour mettre en scène
leurs projets ?
- H. B. : Ils sont nourris, blanchis et dorlotés! Plus sérieusement, ils ont
deux jours de tournage, deux jours de montage, on leur fournit le matériel... Chaque réalisateur dispose d'une équipe de professionnels bénévoles : comédiens, chef-opérateurs, ingénieurs
sons, monteurs, électros... L'aspect technique est donc très encadré, ce qui permet théoriquement de se concentrer sur la narration.
- C. F. : plus de cinquante-neuf comédiens se sont proposés, ainsi qu'une
trentaine de techniciens. C'est l'occasion pour tout le monde de participer à de petits tournages rapides, de se rencontrer, de s'exercer...
- H. B. : pour la prise de vue, on a opté pour des appareils photo REFLEX HD. Le
premier week-end, ils ont une courte formation avec le chef-opérateur Fabrice Richard afin d'apprivoiser les spécificités des REFLEX, notamment au niveau de la mise au point et de la
lumière.
- C. F. : les candidats auront aussi le droit à une visite guidée par
l'association des Ambassadeurs du Pays de Bécherel : ils découvriront ainsi des endroits spécifiques, pas nécessairement très connus mais qui peuvent servir de décors. Cette visite fait
office de repérage.
Quel est le profil des participants ?
- H. B. : très divers. Il y a de très jeunes auteurs émergents, d'autres plus
expérimentés... Globalement, il y a autant d'hommes que de femmes. Certains sont professionnels, d'autres font partie d'associations...
- C. F. : Il n'y a pas vraiment de profil type. La plupart ont néanmoins déjà
réalisé des choses et veulent approfondir leur pratique de la fiction. Au final, le jury retiendra deux auteurs de la Région Bretagne et deux auteurs de la Région Pays de la Loire.
L'objectif de «faire ses gammes» (4) est-il respecté ? Les films ne finissent-ils pas par dépasser le
stade de l'exercice ?
- C. F. : Non, les films réalisés sont des films d'atelier et cela reste un
entraînement. Il n'y a pas d'obligation de résultat et on reste dans un cadre très spécifique assez éloigné des conditions habituelles de production. Il est d'ailleurs possible qu'un film
ne soit pas terminé, bien que jusqu'ici ça ne soit jamais arrivé. Les quatre films réalisés seront projetés au Théâtre de Bécherel le 26 mai.
- H. B. : Les auteurs se servent peut-être du résultat comme carte de visite,
mais ça ne va pas plus loin je pense... On est dans dans une urgence, une rapidité d’exécution, ça permet de tenter quelque chose... On réunit des réalisateurs, des comédiens et des
techniciens sur un territoire et on tente une aventure commune. Dès le lendemain de la première édition, on voulait recommencer l’expérience, parce qu'il y avait une vraie
dynamique.
- C. R. : C'est l'occasion de travailler sur la narration, de s'interroger sur
la façon de développer une histoire. Le rôle de l'écriture est fondamentale. Le monde n'existe que parce qu'on le raconte... il faut donc être capable de créer des schémas narratifs
intéressants. L'originalité se trouve rarement dans les sujets, mais bien dans le travail de narration.
Propos recueillis par Jean-Claude Rozec.
(1) Les ateliers de Bécherel sont financés conjointement par la Région Pays de la Loire et la Région Bretagne,
L'ARBRE (association des réalisateurs de Bretagne), ALRT (association ligérienne des réalisateurs et techniciens des Pays de la Loire), Livre et Lecture en Bretagne , La communauté de
communes du Pays de Bécherel, la DRAC Bretagne ainsi que Films en Bretagne. La fabrication des films se déroulera du 18 au 25 mai.
(2) Voici la liste des neuf projets retenus pour le premier week-end de Bécherel, les 11 et 12 mai.
Voulez-vous
danser grammaire ( Mathieu Tillaut / Bretagne)
, Bécherel (Clarisse Potoky / Bretagne)
, Peau de chagrin ( Clarisse Bathas / Bretagne)
, D'une pierre deux livres ( Eric Fontenelle /
Bretagne)
, Le jour et la nuit ( Lucie Rivoalen et Cédric Drollée / Bretagne)
, Mort aux livres ( Jean-François Marquet / Pays de la Loire)
, Avant que l'on s'ennuie ( Garance Hamon /
Pays de la Loire)
, Plein la main d'amour ( Jun Cordon / Pays de la Loire)
, La fille au perroquet (Marie-Baptiste Roche / Pays de la Loire).
(3) Le jury est composé de membres des associations organisatrices: l'ARBRE, Action Ouest (association des
techniciens et comédiens de Bretagne), ALRT, Livre et Lecture en Bretagne et La Maison du Livre.
(4) « Quand un musicien veut s'exercer, il prend son instrument et fait ses gammes. Quand un peintre a une idée, il
sort ses crayons et fait des croquis. Les gens de cinéma, réalisateurs ou techniciens, n'ont jamais l'occasion de s'exercer. Trop cher, trop lourd, trop compliqué. C'est pour aller à
l'encontre de ce constat qu'est née l'idée des Ateliers de réalisation...» Philippe Baron, réalisateur
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